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LES ORIGINES

La présence de Corses dans l'entourage des Souverains Pontifes remonte au moins à l'époque où Pépin le Bref a attribué l'île au Pape Étienne II en 755, avant sa donation par Charlemagne en 774 à Adrien 1er. C'est en vertu de ces titres que la Papauté a rappelé périodiquement ses droits sur l'île, et a délégué ses pouvoirs en fief à quelques protecteurs qui se reconnaissaient vassal de Saint Pierre (Toscane, Pise, Aragon, Gênes). La papauté y envoya des légats pour manifester son autorité directe, et y mena parfois des expéditions militaires. La dernière expédition militaire envoyée vers 1445 par le Pape Eugène IV se solda par un échec. A plusieurs reprises la Papauté usera de ce pouvoir auprès de Gênes pour faire cesser les maltraitances exercées sur les populations locales. Cette situation fut la cause d'une émigration vers Rome dès le haut moyen-age. Ainsi la paroisse de San Grisogono est élevée au rang d'église nationale des Corses dès 1445 et fut le lieu de sépulture de nombreux officiers Corses au service du Saint-Siège. Au XVI° siècle, une colonie Corse nombreuse et prospère, faite de commerçants, d'ecclésiastiques, d'étudiants y peuplent un quartier du port. On les trouve dans l'entourage immédiat ou dans la famille des papes, tant ecclésiastes que laïcs.

eglise san crisogono

Le service des Corses remonte au règne de Léon IV qui régna de 847 à 855. Rome fut alors le refuge de nombreuses familles corses qui fuyaient les pillages barbaresques. Ce pape les utilisa pour le peuplement d'Ostie et pour la garde de l'enceinte ou "Mure di Leone IV".

Comme les troupes ne sont pas permanentes on en ignore le nombre.

Entre 1468 et 1471, quatre compagnies de gens d'armes (cavalerie lourde) Corses sont entretenues et soldées à Rome. Sous les règnes des Papes Alexandre VI (1493-1503) et Jules II (1503-1513) ces compagnies sont multipliées. Sous le pontificat de Jules II, l'armée pontificale atteint le chiffre de 12 000 hommes de toutes provenances et de toutes nationalités, et pas nécessairement catholiques. En 1502, en prévision d'une action contre les Turcs, une flotte de guerre forte de 13 galères est armée, les équipages recrutés sur toutes les côtes latines.

Après la déroute de Lautrec devant Naples en 1528, les débris de l'armée française remontent vers le nord à travers les États de l'Église. Parmi eux les bandes Corses au service de France, soit 3 000 hommes. 600 s'arrêtent à Rome, et y prennent du service à la solde de Clément VII (1523-1534). Parmi ces troupes, les compagnies des Capitaines Sampiero Corso et Raffaelo Corso.

Après le sac de Rome en 1527, par les troupes impériales, la Papauté prend de la distance et adopte une position de neutralité dans le conflit qui oppose François 1er et Charles Quint, et elle n'intervient plus.

Il faut attendre la bataille navale de Lépante le 7 octobre 1571 pour voir l'armée pontificale prendre part à la campagne navale de la Chrétienté contre les Turcs. Des équipages Corses montent les galères armées par l'Église. Cette campagne navale sonne la fin des Papes guerriers. A partir de ce moment, les troupes vont devenir permanentes. Un service régulier est créé. La Garde Corse est organisée.

Leur présence dans les troupes pontificales est attestée bien après la dissolution de la Garde Pontificale Corse, notamment parmi les sbires.

Creazione da i sullati Corsi di a confraternita del Carmine in Trastevere in 1543

Drapeau de la Compagnie des soldats Corses de 1740 à 1774
Infographies Walther BAUDINELLI

La Dissolution de la garde Corse

L'action se passe en 1662, Louis XIV veut racheter Dunkerque alors possession de l'Angleterre, à son cousin Charles II Stuart, remonté sur son trône après Cromwell en 1660. Charles II a besoin de liquidités et les trois millions et demi de livres que lui proposent Louis XIV sont les bienvenus. Le parti dévôt (Rome, Espagne, Venise, Malte) estime que cette somme pourrait être plus utile pour lutter contre l'expansion des Turcs en Méditerranée. Le pape Alexandre VII veut promouvoir une ligue contre les Turcs, à laquelle s'opposent Louis XIV et Colbert. Des incidents entre dévots qui veulent empêcher le rachat de Dunkerque et partisans du Roi de France éclatent dans Rome. Des incidents surviennent à partir du mois de juin 1662, avec l'arrivée du nouvel ambassadeur du Roi Très Chrétien, le duc de Créquy, opposant Gardes Pontificaux et gardes de l'Ambassade. Un garde Corse du nom de Giovanni de Calenzana est blessé au cours d'une rixe avec les Gardes de l'ambassadeur qui les ont traités "d'espions du pape". Le dimanche 20 août, à la sortie de la messe, les gardes de Créquy poursuivent deux Gardes Corses, Domenico de Rogliano et Gio Battista d'Ajaccio. Domenico se réfugie chez l'habitant, mais Gio Battista est mortellement blessé. Dans la soirée, les gardes ajacciens, sous les ordres du capitaine Savelli de Corbara décident de venger leur camarade.

Ils se mettent en place aux abords de la Place Farnèse où se situe l'Ambassade. Ils tentent de barrer la route au carrosse de la marquise de Créquy belle-sœur de l'ambassadeur. Elle réussit à échapper à ses assaillants qui la poursuivent à coups de pierres. L'épouse de l'ambassadeur est moins chanceuse. Elle a passé sa journée à visiter les églises, et rentre à l'ambassade aux flambeaux. Il est 23 heures. Les Corses lui barrent la route, le carrosse tente de faire demi-tour. Un page de 20 ans du nom de Bertaud est tué à la portière du carrosse par Andrea Crovero* (quatrième aïeul de Napoléon). Les gardes de l'ambassade chargent sous les ordres de leur capitaine Antoine Duboys qui est mortellement touché. Ils sont une trentaine de Corses qui attaquent l'ambassade, malgré les ordres du capitaine de'Franchi qui comme Savelli, commande une compagnie. Des coups de feu sont tirés des fenêtres. Des passants sont tués, dont un mendiant aveugle, un garçon libraire, un portefaix et deux boulangers. Les tambours battent le rappel, mais rien n'y fait.

Le 22 août, huit Gardes dont Pietro de Montemaggiore, Carlo d'Ampugnano, Paolo Maria Pozzo di Borgo, fils d'un colonel au service pontifical, et le meneur Andréa Crovero*, s'embarquent pour la Corse.

Cette attaque met Louis XIV dans dans une grande fureur. L'affaire est grave, car les mis en cause appartiennent à la noblesse ou aux familles notables insulaires. A Rome une enquête est ouverte, qui sera terminée le 21 novembre. Fabio d'Ajaccio et Paolo Maria Pozzo di Borgo, sont entendus et déposent le 29 août, Pietro Ansaldi de Santa Reparata, le 26 septembre, ainsi que Mattéo et Simone de Bastelica. Neuf Gardes sont enfermés aux Carceri Nuove et mis à la torture extraordinaire. Mateo d'Ilario de Pietralba est torturé trois fois pour avoir tiré des coups d'arquebuse place Farnèse. Il est pendu le 16 décembre sur la Piazza Campo dei Fiori pour le meurtre du capitaine des gardes de l'ambassade. Louis XIV ne décolère pas, il en demande plus au Pape. La condamnation des coupables ne lui suffit pas. Il envoie un corps expéditionnaire dans les états du pape en 1664 pour laver l'affront fait au duc de Créquy. Louis XIV obtient gain de cause. Par le traité de Pise, signé le 12 février 1664, il obtient que les Corses soient décrétés hors d'état de servir "tant à Rome que dans l'État ecclésiastique" (Article XII), et l'érection d'une pyramide de marbre noir vis à vis de l'entrée de la caserne des Corses (Article XIII) en exécration de l'odieux attentat commis par les soldats Corses contre la personne de Son Excellence le duc de Créquy. Il fait frapper une médaille pour commémorer l’événement. Un légat se rendra à Versailles pour présenter des excuses officielles.

Médaille en bronze, par J. Mauger - 1664. Commémore l'élévation d'une pyramide pour l’expiation de l’attentat corse contre l’Ambassadeur de France à Rome. http://www.mcsearch.info/record.html?id=321659

En 1668, le pape Clément IX demandera et obtiendra que cette pyramide infamante soit abattue. Ce sera l'occasion pour Louis XIV de frapper une nouvelle médaille.

Médaille en bronze, par J. Mauger - 1668. Commémore la démolition de la pyramide de Rome, souvenir de l'attentat corse contre l'Ambassadeur de France. http://www.mcsearch.info/record.html?id=32166

La Garde Corse dissoute, les Gardes s'en vont pour la plupart au service de Venise. Ainsi s'achève par la volonté de Louis XIV le service des Corses auprès des souverains pontifes. Comme les Gardes Suisses ils auraient pu fastueusement célébrer en 2006 le cinq centième anniversaire de leur création.

J-N POIRON - Caudebec les Elbeuf - 31 juillet 2011.
Mise à jour le 09/03/2012

RENVOIS

*Andréa Crovero, a laissé une fille Geronima Crovero mariée à Pietro Malerba, dont Giuseppina Malerba, mariée en 1723 à Giuseppe Maria Pietrasanta, dont Angela Maria Pietrasanta, épouse de Gio Geronimo Ramolino, dont Laetizia, mère de Napoléon. (Michel Vergé-Franceschi in Paoli, un Corse des Lumières)


SOURCES

Claudio RENDINA in Il Vaticano, Storia e segreti. Roma, Newton Compton Editori. 1986, pp 431.Epuisé. courrier du Major Peter Hasler - Officier chargé des Archives de la Garde Suisse Pontificale en réponse à ma demande faite en 2005.